Monsieur le Premier Ministre,
Je me doute que vous ne lirez jamais ce que je vous écris, mais ça ne me dérange pas. Je ressens quand même le besoin de coucher sur le papier ces quelques mots.
Notre pays vient d’être frappé en son cœur et la réponse de votre gouvernement a été exceptionnelle. Vous avez réussi à gérer cette crise tout en appelant à l’unité et sans surenchère.
Mais voilà, quelques jours à peine les principaux assassins stoppés par nos forces de l’ordre, vous nous prenez à contre-pied en parlant de nouvelles lois anti-terroristes. J’avais fortement apprécié votre déclaration, lorsque vous avez dit que de nouvelles lois n’étaient pas souhaitables, vu la fraicheur de la dernière. Et là, votre gouvernement fait marche arrière et nous promet des lois liberticides, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit. Vous souhaitez fermer les frontières et filtrer internet.
J’aimerais vraiment comprendre votre raisonnement. Comment avez-vous fini par arriver à cette conclusion ?
Les assassins sont français. La fermeture de nos frontières n’auraient rien changé puisqu’ils étaient déjà chez ici.
Ils se sont radicalisés en prison. La censure d’Internet parait bien inutile.
Le jour même où notre pays montre une cohésion historique, vous faites l’inverse. Les gens de différents horizons et religions ont défilé ensembles, main dans la main, afin de montrer que la meilleur réponse à la peur et la haine reste la tolérance et l’ouverture d’esprit. Dans le même temps, vous nous imposez votre réponse : le repli et le communautarisme.
Les gens sont sortis massivement pour montrer aux terroristes qu’ils avaient perdu et voilà que vous leur donnez la victoire. L’objectif du terrorisme est bien de terroriser et un gouvernement qui vote des lois d’exceptions montre bien sa terreur.
La Norvège qui a connu un fait similaire en 2011 a bien réussi à montrer que le terrorisme ne devait pas vaincre nos démocraties. Leur premier ministre a appelé au recueillement et non à de nouvelles lois. Voici sa déclaration (source wikipedia) : « C’est quand notre nation est mise à l’épreuve de la force que la solidarité et le courage du peuple norvégien se font jour. […] Je m’accroche à la croyance que la liberté est plus forte que la peur, je m’accroche à la croyance en une démocratie et une société norvégienne ouverte. Je m’accroche à la croyance en notre capacité à vivre librement et en sécurité dans notre propre pays ».
Doit-on voir dans votre réaction un discours démagogique afin de tirer un avantage politique de cette tragédie ? Je n’ose penser que ça puisse être le cas, car cette réaction serait indigne et jetterait le discrédit sur la classe politique. Nous savons que le risque zéro terroriste n’existe pas dans une démocratie, vouloir faire croire le contraire avec une loi est immorale. Ce n’est pas en jetant de la poudre aux yeux que le terrorisme va s’arrêter bien au contraire. Ca ne fait que le renforcer au détriment de nos concitoyens. Les terroristes ne vont pas se réunir sur un groupe facebook, soyons sérieux.
Il n’est jamais bon de prendre des décisions lorsqu’on est dans l’émotion et voilà que justement vous vous apprêtez à le faire.
J’espère très sincèrement que vous n’allez pas continuer dans cette voie et que vous allez appeler votre gouvernement à faire marche arrière et donner ainsi une victoire à la démocratie.
Veuillez agréer, monsieur, l’expression de mes salutations distinguées.